Après la peur et l'inquiétude, c'est maintenant la frustration et la confusion qui animent bon nombre de sinistrés de l'ouragan Harvey. Une fois le choc passé, c'est le moment d'affronter les compagnies d'assurances et les programmes de compensation.
Un texte de Christian Noël, envoyé spécial à Houston
Cody Mahaffee et sa mère sont assis sur un banc public à l’extérieur d’un des centres pour sinistrés de Houston. Ils sont visiblement épuisés. À leurs côtés, cinq ou six sacs remplis à ras-bord : ce sont tous les effets personnels qu'ils ont pu sauver.
« Quand nous avons quitté la maison, il y avait de l’eau jusqu’aux fenêtres. Je pouvais me sortir le bras et mettre ma main dans l’eau », indique la mère de Cody, Brenda.
Après six jours dans un refuge, ils sont prêts à retourner chez eux. Ils attendent une cousine avec sa camionnette. Ils n’ont encore aucune idée de l’ampleur des dégâts, mais ils savent déjà que le nettoyage et les rénovations coûteront très chers.
« La maison n’était pas assurée contre les inondations. Ça coûtait trop cher, je n’avais pas les moyens de payer pour cette protection », indique Cody Mahaffee.
Les Mahaffee ne sont pas les seuls dans cette situation. La ville de Houston estime que 100 000 maisons ont été détruites ou endommagées. De ce nombre, à peine 15 % des victimes étaient assurées.
« Soit les gens n’ont pas les moyens de payer, soit les compagnies d’assurance refusent d’accorder ce genre de couverture, surtout quand l’édifice est construit dans une zone à risque d’inondations », explique Ken Haddler de la clinique juridique de Houston.
Si on ne reçoit pas de dédommagement de l’Agence fédérale des mesures d’urgences (FEMA), il faudra payer de notre poche, et demander à mes oncles de nous donner un coup de main.
Aide d'urgence : entre espoir et méfiance
Chandra Jackson sourit du coin des lèvres en écoutant un agent de la FEMA lui expliquer qu’elle s’est qualifiée pour obtenir de l’aide d’urgence. Mais son sourire disparait rapidement quand elle apprend qu’elle n’a droit, pour le moment, qu’à 500 $ au cours des deux prochaines semaines.
Il faut que je me nourrisse, que je paie l’hôtel, que je remplace mes vêtements perdus dans les inondations. C’est impossible de subvenir à mes besoins avec une telle somme.
Mais la vraie mauvaise nouvelle n’est pas encore tombée. Le 500 $ qu’elle attend n’a pas encore été déposé dans son compte en banque.
Alors quand le président Donald Trump annonce que l’aide de presque huit milliards de dollars pour venir en aide aux sinistrés « est déjà visible sur le terrain », Chandra lâche un soupir résigné.
« Donald Trump était peut-être un excellent homme d’affaires. Mais il ne sait toujours pas comment fonctionne vraiment le gouvernement », estime-t-elle.
Des dizaines d’agents de la FEMA ont été envoyés aux quatre coins du Texas, dans les refuges pour sinistrés, afin de leur donner un coup de main avec leurs applications. Mais devant un désastre d’une telle ampleur, il est normal qu'il y ait des ratés, selon le porte-parole de l’agence, Leo Skinner.
La FEMA a déjà approuvé le dossier de réclamation de 100 000 personnes dit-il, pour un total de 75 millions de dollars versés jusqu’à maintenant.
Je comprends très bien les frustrations. Nous faisons de notre mieux pour répondre à tous les besoins, mais parfois, certaines personnes ne sont pas admissibles à tous les programmes de remboursement. Alors c’est sûr que c’est décevant.
Mais ce que ressent Astro Marley quand il entend ce discours, ce n’est pas de la déception, mais bien de la colère. Il n’a aucunement confiance en la FEMA, qui, selon lui, trouve toujours une façon de verser le moins d’argent possible.
« J’ai fait des réclamations pour des inondations dans le passé. J’ai des voisins qui ont reçu leur argent, mais pas moi », dit-il.
Parfois, j’ai l’impression qu’il y a de la discrimination, en fonction de la race, ou du quartier dans lequel on habite.
Leo Skinner rejette catégoriquement cette allégation. « Tout le monde est servi de la même façon, en suivant les mêmes règles, sans discrimination », assure-t-il.
Or, ce sont précisément ces règles, ces critères d’admissibilité, qui frustrent les sinistrés comme Chandra Jackson.
« Washington devrait verser les compensations directement aux sinistrés au lieu de faire transiter l’argent par une agence. Moins de bureaucratie, c’est toujours mieux », dit-elle.
Les Texans sont peut-être encore secoués par l’ouragan Harvey, mais ils n’ont pas perdu leur légendaire esprit libertaire.