Selon le politologue et professeur à l'Université de l'Alberta, Frédéric Boily, le fait que Jason Kenney envisage de restreindre les exportations d'énergie de l'Alberta vers la Colombie-Britannique pourrait créer une controverse en Alberta même.
Un texte de Noémie Moukanda
Lundi, le chef du Parti conservateur uni de l'Alberta, Jason Kenney, a expliqué à Vancouver que le boycottage du vin britanno-colombien imposé par la première ministre albertaine, Rachel Notley, était une mesure « symbolique » et que s'il était élu, il irait plus loin avec « une réponse proportionnelle ».
Ses propos suivent l'opposition du gouvernement de John Horgan à l'expansion du pipeline Trans Mountain.
Jason Kenney est « prêt à dire que la Colombie-Britannique ne peut pas transmettre le gaz dans les pipelines en Alberta sans un taux au marché américain. Ça veut dire qu'il faut peut-être que l'Alberta impose un tarif sur le passage de gaz naturel de Colombie-Britannique ».
Puis, il faut taper encore plus fort, dit-il, en faisant état des sanctions que l’ancien premier ministre albertain, Peter Lougheed, avait prises contre les provinces de l’est du Canada.
Je suis prêt à faire comme le gouvernement albertain il y a 40 ans, arrêter les permis pour le pétrole qui passe de l’Alberta vers la Colombie-Britannique, qui est la source d’énergie la plus importante pour l’économie de la vallée du Fraser.
Peter Lougheed, explique Frédéric Boily, « avait pris une position plus ferme contre les provinces de l’est, contre l’Ontario particulièrement, et avait restreint les importations d’énergie de l’Alberta vers l’est du pays ». Ce qui avait créé une certaine controverse, souligne le professeur en sciences politiques.
Je ne veux pas une guerre commerciale. [Mais] il faut que l’Alberta soit prête à répondre.
Jason Kenney croit que les pipelines peuvent s'inscrire dans le respect de l'environnement et souligne leur importance pour l'économie du pays.
Une lutte albertaine aussi
Le fait qu’il vienne faire campagne en Colombie-Britannique peut paraître « inusité », reconnaît Frédéric Boily, mais « dans le contexte actuel, les choses normales deviennent anormales ». Cependant, le chef des conservateurs albertains martèle le même message depuis la course à la direction du Parti.
Pour le professeur, M. Kenney veut « montrer que lui aussi, s’il devenait premier ministre lors de la prochaine élection, il pourrait être en mesure de porter le message à l’extérieur des frontières albertaines », à l’instar de ce que Rachel Notley a fait en allant plaider la cause albertaine à travers le pays.
On est dans deux discours qui sont conservateurs. C’est le degré de ce qu’on est prêt à faire contre la Colombie-Britannique qui les distingue et non pas nécessairement la nature de la stratégie qu’on va employer contre la Colombie-Britannique.
Justin Trudeau, l’arbitre?
Dans sa conférence de presse, Jason Kenney a en effet déclaré que « Justin Trudeau peut arrêter ce conflit » et qu’il « doit jouer son rôle de premier ministre fédéral ».
Bien que le conservateur « continue à mettre beaucoup de pression sur Justin Trudeau », Frédéric Boily croit que « Jason Kenney espère peut-être que Justin Trudeau ne s’impliquera pas dans le dossier et qu’il restera dans les lignes d’à côté ». Par conséquent, ajoute-t-il, « même si M. Kenney ne peut pas le dire explicitement, [il espère] que le projet de Trans Mountain va tout simplement tomber au ralenti ».
Il ne peut pas espérer que le projet soit complètement freiné parce que ce serait trop dommageable aussi pour l’économie albertaine de son propre point de vue.
« Mais en même temps, si le projet prend du retard, si le projet n’est pas véritablement sur les rails lors de l’élection qui s’annonce l’an prochain, ce serait du bonbon politique pour M. Kenney pour dire qu’il n’y a rien qui avance et que l’allié de Rachel Notley, c’est-à-dire Justin Trudeau, reste inactif », analyse le politologue.