Un centre qui vient en aide aux animaux sauvages en détresse relance le débat au sujet de l'utilisation de poids en plomb pour la pêche. Certains animaux, comme les canards et les oiseaux, avalent les plombs, ce qui les empoisonne.
Un texte de Frédéric Pepin
Le plomb est d'ailleurs banni des parcs nationaux et de toutes les aires de conservation, mais pas des lacs et rivières ailleurs dans la province.
Un cygne en mauvais état
Récemment, un cygne tuberculé amaigri et en détresse a été amené au refuge Sandy Pines Wildlife Centre à Napanee, un centre qui vient en aide aux animaux sauvages près de Kingston.
L’oiseau avait avalé un hameçon au bout duquel était attaché un poids de pêche en plomb. Il était amaigri et ne parvenait même pas à se lever. Le personnel du refuge a découvert que l’hameçon et le poids de pêche étaient accrochés dans son œsophage.
Le cygne femelle est maintenant en bien meilleur état qu’il ne l’était lorsqu’un bon samaritain l’a apporté au refuge. Mais on devra tout de même l’opérer pour retirer l’hameçon. Le personnel veille à ce qu’il reprenne du poids avant l’opération.
L’hameçon a sauvé la vie de ce cygne parce que si le poids de pêche s’était rendu jusque dans son système digestif, l’animal serait mort d’un empoisonnement au plomb.
Julia Evoy est habituée à voir ce genre d’empoisonnement et déplore le fait que les pêcheurs utilisent encore ces articles de pêche nocifs. « L’été dernier, on nous a apporté au moins cinq huards qui étaient malades parce qu’ils avaient avalé du plomb. La plupart de ces oiseaux sont morts d’empoisonnement », ajoute Julie Evoy.
La professeure en génie chimique à l’Université Queen’s Louise Meunier déplore elle aussi l’utilisation du plomb pour la chasse et pour la pêche. Selon elle, les poids de plomb ou le plomb qui se retrouve dans certaines cartouches d’armes de chasse ont un impact nocif sur les animaux de toutes tailles, du vers de terre jusqu’à l’ours.
Une dose mortelle, c’est environ un demi-gramme de plomb pour chaque kilogramme de masse corporelle. Un cygne pèse environ 10 kilogrammes, alors, dans sa vie, s’il accumule 5 grammes de plomb, ce n’est pas beaucoup, mais ça peut être suffisant pour le tuer.
Les autres options
Puisque le plomb peut avoir des effets nocifs sur les animaux, différents articles de pêche plus écologiques existent. Le propriétaire d’un magasin de pêche de Kingston, Bob McLeod, recommande à tous les pêcheurs d’utiliser des poids en acier, qui se désintègrent avec le temps, sans être nocifs pour les animaux ou pour l’environnement.
Mais ces articles de pêche coûtent plus cher. « C’est ça le problème, explique Bob McLeod. Il y a d'autres choix, mais la plupart des pêcheurs ne veulent pas payer plus cher. »
Les articles en plomb sont deux fois moins chers que ceux qui sont fabriqués en acier, par exemple. Le propriétaire du magasin croit que la solution est simple. Il demande au gouvernement de bannir l’utilisation du plomb dans l’ensemble de la province.
Même son de cloche de la part de la professeure en génie chimique. « Il y a plusieurs produits nocifs pour les humains, comme le plomb dans la peinture ou l’essence par exemple, qui ont été bannis, soutient Louise Meunier. Il y a eu une grande amélioration de ce côté-là, mais on n’a pas fait les mêmes gestes du côté de l’environnement et je pense qu’on devrait être rendu là. »
L’utilisation est légale
Du côté de la Fédération ontarienne des pêcheurs et des chasseurs, on explique que l’utilisation de grenailles de plomb pour chasser les oiseaux migratoires a été bannie dans l’ensemble du Canada en 1999.
« Notre fédération fait la promotion de pratiques responsables auprès des pêcheurs de la province », souligne le directeur de la section des services de pêche Matt DeMille.
Nous encourageons les pêcheurs à minimiser la perte d’articles de pêche dans nos lacs et nos rivières pour assurer la conservation et la santé de la population marine.
La fédération ajoute par ailleurs que le cygne tuberculé est une espèce non indigène et envahissante en Ontario. L’organisme dit souhaiter le rétablissement de toute bête souffrant d’un empoisonnement au plomb, mais réitère le fait que cet oiseau a un impact considérable sur l’écosystème de la province et des espèces d’oiseaux indigènes.
Le cygne tuberculé demeure protégé en Ontario en raison de la Loi fédérale de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs, qui englobe tous les cygnes. La Fédération ontarienne des pêcheurs et des chasseurs voudrait que le cygne tuberculé soit retiré de la liste pour permettre le contrôle des populations et ainsi mieux protéger les espèces indigènes tels les cygnes trompette et les cygnes siffleurs.